Faire progresser l’apprentissage des médecins spécialistes pour offrir les meilleurs soins de santé à la population.

L’IA en médecine : transformation des compétences, de l’apprentissage et de la pratique

L’évolution de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle (IA) générative marque le début d’une ère de transformation rapide. Dans le domaine de la santé, les ordinateurs ont commencé à être indispensables lorsque j’étudiais la médecine, dans les années 1980. Je me souviens d’avoir utilisé les premiers ordinateurs à des fins de traitement de texte et d’organisation de mes notes de cours, puis de mes données de recherche. Avec l’évolution des logiciels de présentation dans les années 1990, notamment PowerPoint, j’ai pu améliorer mes exposés à l’université et, grâce à Internet, je pouvais communiquer avec des collègues aux quatre coins du monde. Lorsque la pandémie a frappé, nombre de médecins n’ont pas hésité à recourir aux soins virtuels pour leur pratique. Aujourd’hui, je ne pourrais pas diriger ma clinique de psychiatrie sans Teams et Zoom pour les vidéoconférences avec le corps étudiant, les collègues et les patient·es.

La technologie à la source de ces applications évolue rapidement. Le système électronique de gestion des dossiers que j’utilise depuis 20 ans intègre aujourd’hui l’intelligence artificielle (IA). Il peut analyser mes ordonnances et m’avertir si je prescris un médicament qui entre en conflit avec la médication et le diagnostic particulier de la personne. Les nouveaux systèmes d’IA peuvent écouter les consultations et produire une note clinique et un plan en fonction du dossier et des données de laboratoire et d’imagerie. Les médecins et les patient·es auront bientôt accès à de l’information sur le diagnostic et le pronostic fondée sur l’intégralité du dossier de santé, plutôt que sur les données qu’on aura eu le temps de recueillir avant les rendez-vous et consultations.

Métacognition : une compétence fondamentale pour l’avenir

Dans le domaine de l’enseignement, la collecte d’information sur la pratique et l’apprentissage facilitera l’élaboration de modèles fondés sur les compétences. L’analytique de l’apprentissage fournira de nouveaux outils pour cerner les difficultés d’apprentissage et créer des courbes de croissance. Les avant-gardistes ont vite fait de soumettre l’IA générative à l’examen de certification. Au début de 2023, la première version de ChatGPT a réussi l’examen d’obtention du permis d’exercice aux États-Unis avec un score de 60 pour cent. Quelques mois plus tard, Med-PaLM de Google a obtenu 85 pour cent, puis GPT-4 de Microsoft, 86,7 pour cent[i]. Cette situation met en évidence la nécessité de laisser derrière nous les examens qui se limitent aux données factuelles, et de poursuivre notre transition vers l’interprétation approfondie de données complexes.

L’IA générative offre aussi de nouvelles possibilités d’apprentissage, particulièrement parce que cette technologie est capable de créer et d’analyser des textes complexes. La communauté de l’éducation a commencé à aider les étudiant·es à comprendre le processus d’accès à l’information de l’IA générative, qui présente ensuite des arguments convaincants, pas loin de ceux de la médecine factuelle au stade embryonnaire. Une priorité du Collège royal consiste à définir en détail la transformation des compétences à venir. Par exemple, une compétence fondamentale pour la pratique médicale future est la métacognition, soit la capacité d’analyser et de critiquer les tendances relatives à la résolution de problèmes par les humains et par l’IA, ainsi que les relations connexes. Une autre capacité essentielle consistera à comprendre les erreurs qui peuvent survenir lorsque des hypothèses et des probabilités diagnostiques sont générées par des algorithmes informatiques.

Les risques associés à l’intelligence artificielle font l’objet d’un vif débat, et un moratoire a été demandé[ii]. Or, il est probablement déjà trop tard pour arrêter l’évolution; la plupart des gens se promènent avec un téléphone intelligent, rempli d’applications fonctionnant avec l’IA. Tous les moteurs de recherche ont intégré l’IA, et il en va de même pour les applications bancaires et de magasinage, ainsi que celles utilisées pour réserver des vols et des hôtels. Lorsque nous « parlons » à Siri, Alexa ou Google, nous entretenons une relation avec un algorithme d’IA. De plus, presque toutes les personnes que je connais ont fait l’essai de ChatGPT ou d’un système d’IA générative similaire pour toutes sortes de choses : de la création d’un limerick (poème humoristique) à la rédaction d’un exposé scientifique de pointe.

Prenez part à la discussion au forum sur l’IA générative en octobre

En présence d’une telle évolution technologique, le Collège royal considère la multitude d’applications en formation et en pratique médicales. Depuis qu’il a constitué le Groupe de travail sur la recherche en 2018 et le Groupe de travail sur l’intelligence artificielle en 2019, le Collège royal se concentre sur la mise en œuvre de leurs recommandations. Mentionnons notamment la création d’un Comité consultatif sur la recherche et l’évaluation, qui sera présidé par Richard Reznick, MD, FRCSC, président sortant du Collège royal, et coordonné par Tanya Horsley, PhD, MBA, directrice associée, Recherche et évaluation.

De concert avec le Comité de gouvernance des données et de l’informatique du Conseil, l’Unité de recherche et d’évaluation tiendra un panel sur l’IA, qui portera sur les thèmes suivants :

  • nouvelles compétences;
  • mise à profit de la technologie pour que progressent l’apprentissage et l’évaluation;
  • mesures que peut prendre le Collège royal pour aider les médecins à se préparer au changement profond que l’IA apportera à la formation et à la pratique.

Le forum sur l’IA génératrice se tiendra en mode virtuel le 25 octobre 2023, à 12 h (HE) (en anglais)Lorelei Anne Lingard, PhD, FRCPSC (hon), professeure et chercheuse principale à l’École de médecine et de dentisterie Schulich de l’Université Western, et Michael Caesar, MBA, PfMP, dirigeant principal des données et de l’analytique au Réseau de santé universitaire, se joindront au panel avec la Dre Horsley et moi-même. Le futuriste Bertalan Meskó, MD, PhD, directeur du Medical Futurist Institute en Hongrie, s’adressera aux participant·es. Pour en apprendre davantage et vous inscrire à l’activité.

Quelle que soit notre pratique – en milieu rural ou dans un grand centre urbain, en solo ou en groupe, dans l’une ou l’autre des 72 spécialités et surspécialités du Collège royal –, la technologie transforme l’enseignement, la recherche et les activités cliniques. Le Collège royal se veut un partenaire pour nous aider à nous adapter à cette nouvelle réalité.

Brian

Brian Hodges, MD, FRCPC, PhD
Président


Brian Hodges est le 47e président du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Le Dr Hodges est vice-président de l’éducation et médecin en chef au Réseau de santé universitaire de Toronto. Professeur à la Faculté de médecine Temerty de l’Université de Toronto et à la Dalla Lana School of Public Health, ainsi que Senior Fellow au Massey College, le Dr Hodges exerce également la psychiatrie.


[i] Loh, E. (2023). BMJ Leader, 0:1–4. En ligne : http://dx.doi.org/10.1136/leader-2023-000797.

Mbakwe, A. B., I. Lourentzou, L. A. Celi et coll. (2023). « ChatGPT passing USMLE shines a spotlight on the flaws of medical education », PLOS Digit Health. En ligne : https://doi.org/10.1371/journal.pdig.0000205.

[ii] New York Times (2023). En ligne : https://www.nytimes.com/2023/05/01/technology/ai-google-chatbot-engineer-quits-hinton.html.

Future of Life Institute (2023). En ligne : https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/.